L'art et la technique - Témoignage d'un prof en kiné - Ecole d'Assas - Rééducation et Santé

L'art et la technique - Témoignage d'un prof en kiné

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Rencontre avec Christian Côte

Sur son bureau, pas d’ordinateur mais des classeurs et des revues scientifiques. Aux murs de son cabinet, des pastels dessinés de sa main. À son cou, une cravate aux couleurs des All Blacks. Pour certains, ces trois instantanés suffiraient à faire de Christian Côte un « kiné à l’ancienne », compétent certes, mais guère à la page. Comment expliquer, alors, la carte de visite en mandarin qu’il a dans sa poche ?

Masseur-kinésithérapeute diplômé depuis 1983, enseignant à l’IFMK de l’École d’Assas depuis 1996, Christian Côte est tout simplement inclassable.

Licencié au SCUF, club historique parisien, Christian Côte a tout d’abord expérimenté la kinésithérapie au fil des nombreuses blessures qu’il a récoltées sur les terrains de rugby. Mais c’est en fait la lecture d’un roman qui va déclencher sa vocation. Ce récit, Les Mains du Miracle, signé de Joseph Kessel, raconte la vie de Felix Kersten, le thérapeute scandinave qui a profité des soins qu’il prodiguait au commandant en chef des SS pour obtenir le salut de nombreux prisonniers voués aux camps de concentration nazis.

Sa vocation sera ensuite nourrie des rencontres qu’il fera durant ses études à l’hôpital Necker, à commencer par celles de Jean Jusserand et de Mademoiselle Lacote (Michèle, auteur d’un fameux cours d’anatomie). À l’issue de son diplôme, c’est à Turin qu’il commencera à exercer la profession, à l’invitation d’un de ses proches. Très vite cependant il regagnera Paris où Jean Jusserand avait besoin d’un assistant pour son cabinet. Pendant 11 ans, il travaillera aux côtés de ce maître qui non seulement lui transmettra toute son expérience et toute sa science de la kinésithérapie mais l’encouragera aussi sur la voie de l’enseignement.

D’une rencontre l’autre

art et technique Chine« J’ai commencé à enseigner en 1990, à l’Aderf (ex-Necker), poussé par Jean Jusserand. Mais, en fait, c’était une envie qui couvait depuis que j’avais suivi les cours de Mademoiselle Lacote à Necker. Elle enseignait l’anatomie d’une telle façon que j’en étais resté subjugué et bien décidé à suivre un jour ses pas. »

En même temps, Christian Côte suit les cours de l’école des cadres de santé et obtient une licence en sciences de l’éducation. À l’école des cadres, une autre rencontre va décider de la suite de sa carrière : « Parmi nos enseignants il y avait le directeur d’Assas de l’époque. Un jour, après m’avoir vu dessiner au tableau il me prend à part et m’invite à rejoindre l’équipe de l’IFMK une fois mon contrat avec l’Aderf, qui finançait ma formation, terminé. C’est ainsi que je suis arrivé à Assas en 1996, pour y enseigner l’anatomie. »

Dans l’intervalle, en 1994, Christian Côte s’est installé à son compte et a ouvert son cabinet du côté du pont Mirabeau. De fait, depuis 1996, sa vie professionnelle se partage entre son cabinet et l’IFMK Assas. Au cabinet, deux collaborateurs l’accompagnent dans son activité pour lui permettre d’offrir aux patients tout le temps et toute l’attention qui leur sont nécessaires. À Assas, ses dessins au tableau sont devenus d’autant plus légendaires pour les étudiants que, chaque année, le major de promotion reçoit une étude d’anatomie dessinée au pastel par Christian.

Et le sport, les amis ?

technique Chine internationalQuand on lui demande si le métier qui attend un étudiant d’aujourd’hui est identique à celui qui attendait le diplômé de 1983, sa réponse met en évidence une différence que seule sa longue expérience lui permet d’identifier : « Oui et non. Oui, car la pratique manuelle et individuelle demeure la base de l’activité. Non car les jeunes sont très attirés par de nouvelles pratiques qui, si elles ne sont pas encadrées, sont à mes yeux fumeuses voire dangereuses. Surtout, il y a une différence majeure entre l’étudiant des années 80 et celui des années 2010 : quand j’étais étudiant, il y a 35 ans, nous étions neuf étudiants sur dix à avoir une activité sportive ; aujourd’hui, malheureusement, on n’a plus qu’un étudiant sur huit ou sur dix qui pratique un sport. Quel est le rapport ? Tout simple. Comme enseignant d’anatomie, la culture sportive me semble une obligation pour un bon exercice de la kinésithérapie. La kinésithérapie est une activité manuelle exigeante. Au bout d’une journée de manipulations manuelles et individuelles, il y a vraiment de quoi être crevé. Alors, quand j’entends les étudiants arriver le lundi matin en cours en disant qu’ils sont épuisés juste parce qu’ils n’ont pas récupéré de leurs soirées du jeudi et du samedi et de leurs nuits passées sur facebook, je me dis qu’ils partent sur de mauvaises bases. Une bonne condition physique aide aussi bien à étudier qu’à pratiquer. »

Le mandarin d’Assas

Non, que les vénérables professeurs de la Faculté de Médecine ne s’insurgent pas ! Christian Côte ne revendique aucun titre ni diplôme ne lui appartenant pas mais, depuis 2015, il est l’accompagnateur attitré des stages en Chine des étudiants en K1. Ce qui explique cette carte de visite en mandarin qu’il extirpe en souriant de sa poche.

« La Chine est une destination exceptionnelle au niveau des contacts professionnels. J’ai grand plaisir à y accompagner les élèves. Le matin, je donne des cours d’introduction à la kinésithérapie européenne au personnel de l’hôpital de Wenzhou où nous sommes accueillis. Les participants s’y montrent extraordinairement attentifs. L’après-midi, je redeviens étudiant au milieu de mes étudiants et découvre avec eux les pratiques traditionnelles chinoises comme l’acupuncture ou la moxibustion. »

Ce qui le frappe le plus dans la pratique chinoise, en dehors de l’organisation hospitalière elle-même – « L’accueil de l’hôpital de Wenzhou, c’est Roissy ! 50 guichets où les gens font la file. » –, c’est la pharmacopée : « Elle est étonnante. Exclusivement à base de produits naturels. Avec les étudiants nous avons visité la pharmacie de l’hôpital. Des jeunes filles en blouse blanche y piochent dans de grands bocaux d’écailles de pangolin, de sangsues séchées ou de déjections d’écureuils volants, pour composer les préparations ou décoctions demandées par les médecins. C’est dépaysant ! »

Chaque année, le major des diplômés de l’IFMK Assas se voit remettre un pastel représentant une étude d’anatomie exécutée de la main de Christian Côte. C’est d’ailleurs grâce à ses talents de dessinateur que Christian Côte a rejoint l’équipe pédagogique d’Assas en 1994.

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